En ces temps difficiles, les psychologues se voient pris d’assaut face à l’augmentation des demandes de consultation. Or, la consultation chez un psychologue libéral peut sembler coûteuse et n’est pas toujours accessible pour tout le monde. Récemment, l’état a mis sur la table l’idée d’un remboursement des psychologues. De prime abord, l’idée peut sembler intéressante, mais… Est-ce une bonne ou une mauvaise idée ? Comment ça fonctionnerait ? Est-ce avantageux pour les patients et pour les psychologues ?
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Les consultations sont-elles remboursées ?
Réponse : Oui et non
À l’heure d’aujourd’hui, on peut répondre de deux manières différentes au remboursement des psychologues :
– OUI : si la consultation est faite auprès d’un psychologue exerçant dans un hôpital ou dans un Centre Médico-Psychologique (CMP) ;
– NON : si cette consultation est faite auprès d’un psychologue en libéral. Elle ne fait pas partie des actes remboursés par la Sécurité Sociale.
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Et les complémentaires santé ?
Pour les mutuelles et les assureurs, c’est différent. Certains proposent déjà à leurs clients un forfait sur les séances chez un psychologue libéral. Ces forfaits peuvent se faire de deux façons possibles :
– Soit une prise en charge d’un montant total (par exemple : 100€ qui seront déduits à chaque séance jusqu’à ce que ce montant soit atteint. Si votre première séance coûte 60€, il vous en restera 40€ pour la suivante).
– Soit une prise en charge d’un montant plafonné par séance (par exemple : 25€ sont remboursés à chaque séance jusqu’à ce que le plafond de 100€ soit atteint).
En fonction des mutuelles et des contrats souscrits, cela peut varier.
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Un nouveau dispositif de remboursement des mutuelles
Seulement avec la crise sanitaire qui touche notre pays, les complémentaires santé ont pris les devants et envisagent de proposer à leurs clients une nouvelle formule. Ainsi, plusieurs consultations seront prises en charge par an, sur prescription médicale et dans la limite de 60€ par séance.
Pour les mutuelles, ce serait un remboursement des consultations pour un minimum de quatre séances par année dans la limite de 60€ par séance. Dans tous les cas, ces consultations devront être prescrites par un médecin généraliste pour pouvoir en bénéficier. Une condition à laquelle s’oppose formellement le Syndicat National des Psychologues qui juge la prescription médicale contre-productif. Et je partage leur avis !
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Et qu’en dit l’état ?
1. Un terrible constat
L’état voit bien qu’il y a urgence. Ses pôles sont entièrement saturés et il faut bien attendre trois à quatre mois avant d’avoir un rendez-vous auprès d’un des centres d’accueil (parfois même plus d’un an dans les CMP). Alors, il teste des choses et se demande si les psychologues en libéral seraient la solution à leur problème. Autrement dit, opter pour un remboursement des psychologues. Ce qui peut être intéressant ! Encore faut-il bien si prendre…
On sait que seulement 40 à 60% des français souffrant de troubles psychiques sont pris en charge. La raison ? La peur de demander de l’aide, de ne pas savoir vers qui se tourner et quelle thérapie suivre. Sans parler de la mauvaise répartition géographique des praticiens ou encore du coût des consultations qui peut s’avérer élevées parfois.
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2. Alors, que faire ?
À cette question, l’État s’est dit qu’il serait peut-être temps que la Sécurité Sociale prenne enfin en charge les consultations de ceux qui en ont besoin et qui n’ont pas forcément les moyens de suivre une thérapie. Une bonne initiative et une façon d’améliorer l’efficacité du parcours de soin.
Cela permettrait en effet le désengorgement des consultations dans le secteur public (psychiatres, CMP, CMPP, etc.).
Le remboursement des psychologues, une bonne idée ?
Ça pourrait, mais non ! Il existe de nombreux freins à ce nouveau dispositif qu’ils soient du côté des psychologues ou du côté de l’Assurance Maladie.
Premièrement, la grande diversité des formations et des pratiques des psychologues rend difficile l’homogénéité de la profession. Deuxièmement, aucun terme juridique ne vient traduire la reconnaissance statutaire et thérapeutique des psychologues. Enfin, aucun code de déontologie unique et opposable n’existe. Tout ceci rend difficile l’intégration dans un système uniforme demandé par l’Assurance Maladie.
Mais ce n’est pas tout. Même si c’était faisable, de fortes réticences sont présentes côté psychologues ! Nombreux ceux qui craignent de perdre une part de leur liberté en intégrant ce système codifié, sans parler du taux horaire…
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Il n’y a plus d’espoir ?
À voir… Depuis 2018, l’État fait des expérimentations dans quatre départements français : la Haute-Garonne, les Bouches-du-Rhône, le Morbihan et les Landres. Dans chacun de ces départements, des psychologues en libéral se sont portés volontaires pour tester le principe de remboursement imaginé par l’Assurance Maladie.
Pour pouvoir bénéficier de ces soins, il faut que le patient :
- Soit dans la tranche d’âge 18-60 ans
- Soit domicilié dans l’un de ces départements
- Présente des symptômes de dépression ou des troubles psychiques
- Ne présente pas d’antécédents psychiatriques, de risque suicidaire et de signes psychotiques
Bien que d’après la Cour des comptes, cette expérimentation ait connu un certain succès, elle reste encore à la première étape et se doit d’attendre les effets après l’élargissement à des populations dites plus fragiles.
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Qu’en pensent les psychologues ?
1. Un sentiment partagé
Pour beaucoup, cette idée de remboursement des consultations par l’Assurance Maladie est une excellente idée et mérite d’être étudiée. Cependant, ils se posent aussi la question : à quel degré d’intrusion dans leurs choix cliniques ils auront droit ? Pour certains c’est une première étape heureuse, mais imparfaite.
Ce système leur permettrait d’atteindre une population moins aisée financièrement et qui a tout autant besoin d’avoir un suivi psychologique. Mais le point de désaccord se fait sur le niveau de remboursement proposé lors de l’expérimentation.
Ce dispositif est jugé très insuffisant et il y a de quoi au regard des impôts et des charges ponctionnés par l’État, l’URSSAF, la CIPAV entre autres.
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2. Un remboursement insuffisant
Pour le remboursement des psychologues, les conditions seraient que les 10 premières séances « accompagnement de soutien » soient remboursées à hauteur de 22 euros pour trente minutes, et les 10 suivantes, dites « thérapies structurées », à 32 euros pour quarante-cinq minutes.
Ainsi, l’État considère que les 10 premières séances ne sont ni structurées ni psychothérapiques.
En conclusion, le niveau de remboursement est bien trop insuffisant ! Notamment pour les psychologues exerçants dans les grandes villes où les loyers sont chers. Si les conditions restent intactes, cela entrainerait une très grande précarité pour nous, psychologues libéraux.
De plus, il est important de respecter la liberté de notre pratique clinique et de ne pas nous imposer un nombre maximum de séance. Comme si un suivi thérapeutique pouvait être quantifié avec un nombre de séance identique pour chaque patient ! On oublie que chaque patient est différent et donc qu’il est impossible de standardisé une thérapie.
Enfin, cette expérimentation prévoit que les dépressions légères et modérées soient adressées aux psychologues, et les dépressions sévères concerne psychiatrie. À mon sens, c’est dénigrer notre profession. Nous serions ramenés à des « sous-psychiatres incompétents » devant la psychopathologie sévère. En bref, ce projet aurait pu être très intéressant mais son exécution est un réel danger pour les psychologues libéraux.
> Pour en savoir plus sur ce sujet regardez ma vidéo Le psy est-il remboursé ?
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